Le mulot multiplie extraordinairement et produit jusques a 10 petits et autant que je puis juger toutes les 6 semaines, a commencer depuis may dans les années ordinaires qui ne concourent pas avec ses provisions, a le nourir amplement plutot, et jusques en 7"" [i.e. septembre] qu’ils travaillent a leurs magazins qu’ils font aussi dans un trou en terre, faute d’abri, lequel trou, estant tres peu profond, produit sa perte.
Cet animal qui pait surtout l’herbe, comme il est dit, ne va pas Ia chercher loin quand il la trouve prés, mais se repandant toujours jusques a ce qu’il en trouve, il arrive que la multitude se rencontre of; H y a des paturages. D’un champ ravage elle passe a un autre, par le meme mechanisme dont le ressort est la faim. [fol. 377]
Si elle trouve de l’eau dans son chemin elle traverse a la nage et comme les champs cultivés sont proches des rivieres ou de la mer, quand cette multitude les a rongés, elle entreprend de traverser cet obstacle d’eau sans mesurer ses forces a celle du courant, ou a la grandeur du trajet, elle se met a l’eau, et apres avoir nagé longtemps elle se noye. Cecy est la phisique des conjurations qui les detruisent apres le ravage des champs.
Pour que cet animal puisse multiplier, malgré ses ennemis, au point de moissonner les champs en herbe, il faut un concours de plusieurs hivers de suitte ou il tombe beaucoup de nege, sans degel, cas qui arrive tres rarement mais qui peut arriver comme je l’ay veu une fois depuis 1732. Dans le dit cas, la nege les garantit de la recherche de leurs enemis, les tient chaudement, conserve leurs provisions, les met en etat de se nourir amplement consequament de commencer a bonne heure a multiplier. Une p'r pareil hiver en donne un grand nombre mais non pas asses pour ne pouvoir trouver la nouriture dans l’espace de terrain qui environne leurs gites et pour les forcer de se repandre jusques aux prairies et aux champs cultivés. Mais si un second hiver favorable succede au premier, alors la propagation de ce nombre produit la multitude qui s’étend comme nous I’avons dit.
Les hivers contraires les detruisent mais les bons abris en sauvent toujours partie, et de l'hiver et de leurs enemis, qui suffit pour en conserver l’espece, qui ne cesse point d’exister dans les bois. Cet animal au surplus qui va a la pature ne retourne point en arriere, si ce n’est pour retourner a son gite, et va toujours en avant, a peu pres sur la ligne qu’il a enfilé, et ne s’étend sur les cotés, que lors qu’il a rencontré du paturage. || n’a pas aussi la pate aussi avantageuse que la souris pour gravir, et il est beaucoup moins timide et beaucoup plus sot. [foL 377v]
Le soin de detruire dans les bois qui aprochent les environs des champs cultivés tout ce qui peut donner des abris a cet animal, mettront un Espace entre ceux qui sont plus loin et les champs, qui en garantira ceux
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qui prendont ce soin. La guerre qu’on peut leur faire, aussitot que la lisiere des champs rongée les annonce, peut les detruire avec succés, comme je l’ay fait, et dans l’extirpation des premiers, tous ceux qui en naitroient dans le courant de l’été. Auquel cas les lisieres rongées n’en produiroient que plus de grain.
Le pais estant defriché, suprimera proportionell' le terrein ou se conserve cet animal, concentra pour m’exprimer ainsi, les animaux qui luy font la guerre, ce qui vaudra la multiplication de leurs enemis, mettra entre cet animal et les champs des grandes rivieres ou des ruisseaux d’un courant rapide qui luy rendront ces barrieres funestes, fournira par les prairies plus de pature a moins d’enemis qui garantiront les champs, et fera disparoitre ce fleau pour toujours, surtout si l'on y joint l'attention de suprimer les abris de cet animal. Et dans une supposition extreme, la perte des champs voisins des bois, garantira les autres, et cet accident sans consequence pour l'lsle, sera d’autant moins facheux qu’il tombera sur des negligens qui les portera dans la suitte a user des deux remedes proposés cy dessus. [fo|. 378]
[PAC, AC, C"B, Vol. 29, fols. 377-378]
Roma 1750 (English translation):
0n the voles of lle Saint-Jean:
The field-mice are not a plague in the superstitious sense, that comes all of a sudden. It is a kind of mouse, short, blackish, fat, cute, that originates in the woods and notably feeds on all kinds of grasses. There are several others [i.e. mice species] that differ in size and colour. This animal makes granaries for winter, of grains and seeds and other things. For these it searches out shelters under roots, under rocks, in fallen and decayed trees in whatever place, and sometimes in holes that it comes across, although rather rarely, in standing trees. I have studied them everywhere. All animals are fond of them, not only the owl and the eat, but even the dog, all the birds of prey and the raven. The fox and the marten make a harsh war on them. The rat [i.e. muskrat] destroys it too, in the places where it
[i.e. the muskrat] lives, but I think that it only strangles it.
The field mouse multiplies extraordinarily fast and produces up to 10 young, as far as I can judge, every 6 weeks, starting from May in ordinary years when provisions are not in short supply and there is ample food, until September, when they work at their food store which they also make in a hole in the ground — in the absence of shelter, the hole not being very deep, will lead to its [i.e. the food stores] loss.